Xavier PITON (Président du Syndicat Viticole de Lalande-de-Pomerol) interviewé par Jean-Charles Galiacy du Journal Sud-Ouest

Xavier PITON (Président du Syndicat Viticole de Lalande-de-Pomerol) interviewé par Jean-Charles Galiacy du Journal Sud-Ouest

"Vins de Bordeaux. À Lalande-de-Pomerol, « les insectes s’en sortent mieux que les dinosaures »


Le président de l’appellation Lalande-de-Pomerol Xavier Piton : « Être à l’ombre de nos voisins, cela a un effet stimulant. » © Crédit photo : GUILLAUME BONNAUD/SO
Malgré sa discrétion, l’appellation Lalande-de-Pomerol, qui ouvre ses portes le week-end des 20 et 21 avril, très hétérogène dans ses terroirs et ses prix, résiste bien face à la crise
Lalande-de-Pomerol cultive sa discrétion et une certaine tradition. La petite appellation bordelaise d’un millier d’hectares, aux portes de fameux vignobles, n’en reste pas moins dynamique et résistante face à la crise de consommation frappant la viticulture bordelaise. À Néac, au château Belles-Graves du président Xavier Piton, derrière la Barbane qui s’écoule, on aperçoit les vignes de La Fleur Petrus (Pomerol), ou un peu plus loin, les chais de Cheval Blanc ou de La Dominique (Saint-Emilion). Ce prestigieux voisinage se conjugue avec une diversité de terroirs, « signature de la rive droite » insiste le dirigeant, qui ouvre ses portes le week-end des 20-21 avril (1).


Faire du vin blanc avec du raisin rouge est la dernière nouveauté qui arrive sur les marchés et ce pour répondre à une demande croissante de vins plus désaltérants
Quelle est la spécificité du Lalande-de-Pomerol ?


Nous sommes plutôt sur une appellation de diversité tant au niveau des terroirs, des histoires des domaines que des personnes. C’est ce qui fait toute notre richesse. Nous avons d’ailleurs des profils de clientèle extrêmement variés puisque nous avons une fourchette de prix assez étendue (entre une dizaine et une cinquantaine d’euros la bouteille, NDLR). Sur l’aromatique, pareil, nous avons un panel assez large. Évidemment, on retrouve les traceurs de la rive droite bordelaise avec une dominante de merlot. Mais l’impact des terroirs sur l’expression du cépage va amener à des produits qui peuvent être vraiment différents.


On observe malgré tout une relative constante sur l’appellation : les propriétés restent familiales avec très peu d’investisseurs étrangers…
Cela reste assez marginal, effectivement. Les investisseurs étrangers se comptent encore sur les doigts de la main, peut-être les deux mains sans aller jusqu’aux pieds…. On est peut-être encore l’une des dernières appellations avec une tradition familiale ancrée. Cela a bougé un petit peu sur les grands domaines en raison de problèmes de transmission. Sinon, on reste sur des tailles de domaine relativement modestes. On compte 1 100 hectares pour 144 vignerons, dont la moitié se déclarent sur moins de deux hectares car ils sont généralement propriétaires sur une autre appellation et ils ont une ou deux parcelles sur Lalande-de-Pomerol. Au final, on a une soixantaine d’exploitations significatives sur notre territoire.
« Notre appellation s’est posée toujours posée en challenger, à l’ombre de nos voisins »


Au sein du plus grand vignoble AOC français, frappé par une consommation qui dégringole et un plan d’arrachage massif, les capacités financières se resserrent
Comment vivez-vous votre proximité avec des vignobles très exposés comme Pomerol ou Saint-Emilion ?
Notre appellation s’est posée toujours posée en challenger, à l’ombre de nos voisins. Mais cela a un effet stimulant. nous ne sommes pas en haut, certes, mais cela donne envie de faire des choses.


Dans quelle mesure l’appellation est-elle touchée par la crise de consommation qui frappe la viticulture bordelaise ?
Évidemment, nous sommes affectés mais les vins produits sur l’appellation Lalande-de-Pomerol ne sont certainement pas les plus difficiles à vendre. Nous avons ici des producteurs assez dynamiques en matière commerciale et surtout assez autonomes. Ceux pour qui la situation est la moins souriante sont ceux totalement dépendants du négoce mais cela concerne peu de volume. Il y a donc des solutions de repli. Et puis, ce genre de période un peu difficile montre l’intérêt du vieil adage « small is beautiful. » Dans les temps compliqués, les insectes s’en sortent mieux que les dinosaures…


On observe que cette crise de consommation touche particulièrement le vin rouge. À Lalande-de-Pomerol, y a-t-il des velléités de s’ouvrir à d’autres couleurs ?
Ceux qui le veulent, le peuvent ! Il suffit de passer en appellation Bordeaux (il sourit). Je sais que de l’autre côté de la Garonne, on se dirige vers du blanc (dans le Médoc, NDLR). Mais
nous ne sommes pas ici sur la même échelle. À petite échelle, que ce soit de l’appellation ou encore plus des propriétés, c’est compliqué de gérer des productions trop différentes.


Comment se profile le millésime 2023 ?
Il y a des très jolies choses avec dans l’ensemble, un millésime qui se construit sur l’élégance, avec de belles concentrations. Depuis le millésime 2020, on s’aperçoit que les impacts de la chaleur et du manque d’eau se ressentent beaucoup moins que ce que nous avons pu connaître autrefois. On reste sur des vins qui conservent de la fraîcheur : le côté séduisant du merlot. En 2022 tout particulièrement, les vignes avaient marqué le coup avec la sécheresse mais dans les cuves, on ne retrouvait pas ces effets du climat. Ce qui se vérifie encore avec ce millésime 2023.
(1) Une trentaine de propriétés participent à la manifestation. Renseignements sur le site www.lalande-pomerol.com.

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